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L’Outplacement en perspective

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De l’importance du récit en outplacement

Lorsque nous accompagnons les transitions professionnelles, nous accompagnons des séparations parfois douloureuses, des difficultés à assumer pleinement une ambition professionnelle, des syndromes de l’imposteur, des freins à faire du réseau, des résistances à parler de soi, des comportements dévalorisants. Il nous arrive même d’accompagner des personnes systématiquement en position haute, qui démontrent un excès de confiance en leurs capacités.

Qu’ont en commun tous ces éléments ? Un récit, une vision du monde issue de leur expérience dans lesquels ils sont enfermés. Notre intervention consiste alors à modifier l’angle de la caméra, mais aussi sa focale, le zoom, l’éclairage pour percevoir la réalité autrement et s’en faire ainsi un nouveau récit, parfois moins douloureux, parfois ouvrant de nouvelles perspectives et de nouvelles libertés jusqu’ici insoupçonnées.

Petit tour d’horizon de la notion de récit : son origine dans la théorie « constructiviste », son importance en outplacement, quelques exemples d’illustration.

Récit et constructivisme

Le constructivisme est une théorie de l’apprentissage développée par Jean Piaget. Cette théorie repose sur l’hypothèse selon laquelle, en réfléchissant sur nos expériences, nous nous construisons et construisons notre propre vision du monde dans lequel nous vivons.

Paul Watzlawick et l’école de Palo Alto (dont nous nous revendiquons chez Perao) ont émis l’hypothèse qu’il n’existe pas de réalité absolue, mais seulement des conceptions subjectives et souvent contradictoires de la réalité. Il existe ainsi deux « réalités » :

  • une réalité de premier ordre : celle que nous percevons par nos cinq sens (la vue, le toucher, l’odorat, le goût et l’ouïe) ;
  • une réalité de second ordre : la signification que nous donnons à la première réalité ou « récit »
En modifiant ou en altérant cette réalité de second ordre, on peut sortir de schémas enfermant, limitant, d’autres horizons d’actions peuvent alors s’ouvrir !

De l’intérêt du travail sur le récit en outplacement

En utilisant une approche constructiviste, nous pouvons aider nos clients à devenir des apprenants actifs et ainsi à construire ou modifier leur propre réalité. Nous pouvons les aider, par exemple, à expérimenter un récit différent de celui qu’ils se faisaient jusqu’alors, de faire « comme si », de se comporter comme s’ils avaient de l’ambition, comme s’ils méritaient ce poste, comme s’ils avaient été à l’initiative du départ de leur dernière entreprise. Ce comportement « comme si » a, dans l’immense majorité des cas, un effet performatif presque magique : en « montrant » autre chose à ses relations, à son entourage, il se passe tout autre chose en retour, le récit peut s’altérer et libérer de nouveaux possibles.

Prenons l’exemple du projet professionnel et de sa construction:

Avoir un projet professionnel, consiste d’abord à raconter une histoire et c’est parce que le récit est cohérent que ça marche, qu’il obtient l’effet escompté. Sa mise en œuvre est alors fluide et le projet peut prendre corps.

Dit autrement : il s’agit d’apprendre à être le narrateur ou le conteur de son projet. Et c’est parce que l’on fait le récit, que l’on est dans l’action, que l’on est ce que l’on raconte. Ce n’est plus du Descartes, « Je pense donc je suis », mais c’est « Je le dis donc je suis » !

Quelques exemples

Prenons l’exemple de Dominique qui tourne autour de son projet professionnel sans réussir à le faire émerger. Nous lui avons demandé de se comporter « comme si » elle avait un projet, sans même avoir à en révéler sa nature. Les résultats ont été immédiats : ses interlocuteurs lui ont donner des encouragements et par leurs discussions des idées de projet ont émergé, elle a arrêté de se focaliser sur le fait qu’elle devait faire émerger un projet. Résultat : son projet est arrivé naturellement deux semaines plus tard et elle a signé un CDI trois semaines après.
Claude souhaite obtenir un poste de DAF mais ne l’a pas encore été véritablement (il a tourné autour dans ses précédents postes mais n’a pas eu officiellement l’étiquette de DAF). Il n’ose pas se présenter comme DAF, puisqu’il ne l’a jamais été ; résultat, il n’obtient pas de proposition de poste de DAF alors qu’il a absolument toutes les compétences requises. Nous l’avons invité à se comporter pendant 10 jours « comme si » il était DAF. Les effets ne se sont pas fait attendre : il a obtenu un poste de DAF. C’est parce qu’il a enfin dit qu’il l’était qu’il l’est effectivement devenu !
Camille fait le récit du départ de sa dernière entreprise dans lequel elle annonce qu’elle s’est faite licencier pour faute grave (« mais qu’il n’y avait pas de faute, mon patron nouvellement arrivé a décidé de changer son équipe »). Lorsque nous lui avons dit qu’elle n’était pas obligée de tout raconter, et en particulier de ne pas spécifier la nature de la rupture du contrat de travail, elle nous a répondu qu’elle devait être honnête et dire la vérité. En constructivistes expérimentés, nous l’avons interrogée sur ce qu’était la vérité. Nous lui avons demandé si elle s’était fait licencier ou si elle avait décidé de partir (en ne se battant pas pour rester, en ne faisant pas de zèle pour être la salariée modèle que son nouveau patron aurait pu finalement garder). Elle a admis que les deux versions se tenaient. Nous lui avons proposé d’expérimenter pendant 10 jours la deuxième version, qu’elle n’a finalement pas souhaité modifier et qu’elle a gardée définitivement par la suite. Elle n’a plus jamais été déstabilisée par la question sur les raisons de son départ.

Pour conclure

Par la reformulation, par l’expérimentation, par les « comme si », nous permettons de faire bouger les perspectives, de modifier la réalité de deuxième ordre de Watzlawick.
Quand je prends une autre perspective, j’ai autant raison, je vois juste la même réalité sous un autre angle, je vois donc autre chose qui est tout aussi « vrai ».
Pour tester la force du récit et expérimenter un retournement de caméra, la prochaine fois que vous êtes en retard dites : « Merci de m’avoir attendu » en remplacement du traditionnel « Désolé.e d’être en retard », et surtout, faites nous part des effets de cette expérimentation ! 😊

France LYS et Jérôme MARQUIS, spécialistes des transitions de carrière réussies.

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